Partenaires

Sasha : rencontre avec Roopa Mehta

Visite partenaire
Sasha : rencontre avec Roopa Mehta

En octobre dernier, nous avons eu le plaisir d’accueillir Roopa Mehta en Belgique. Directrice de Sasha Association for Crafts Producers et présidente de l’Organisation Mondiale du Commerce Équitable (WFTO), elle a partagé avec nous son expérience lors d’une interview réalisée le 18 octobre 2023. À la tête de Sasha, une entreprise sociale indienne qui collabore depuis 45 ans avec des milliers d’artisan·e·s, Roopa Mehta nous éclaire sur les réalités du commerce équitable, ses défis actuels et la force des partenariats durables. Une rencontre riche en enseignements qui nous permet de mieux comprendre l’impact concret du commerce équitable dans la vie des producteurs et productrices.


Pourriez-vous vous présenter et nous parler de votre organisation Sasha ?

Je m’appelle Roopa Mehta et je suis l’actuelle directrice de Sasha Association for Crafts Producers (l’association Sasha pour les producteurs/rices d’artisanat) et également la présidente de WFTO, l’Organisation Mondiale du Commerce Équitable. , Sasha est une entreprise sociale de commerce équitable nées il y a 45 ans et nous travaillons avec près de 100 groupes de producteurs/rices d’artisan-e-s, tisserand-e-s, collectifs de femmes et travailleurs de l’habillement. Le nombre de personnes que nous avons impactées est probablement de 5000. Certains(groupes) travaillent uniquement pour les exportations vers nos acheteurs du commerce équitable dans le monde entier et d’autres travaillent à la fois les exportations et le marché intérieur, car nous vendons à la fois au détail en Inde et  en gros en Inde. Je dirais qu’environ 50% de nos producteurs/rices sont des femmes et nous avons eu un impact énorme sur l’autonomisation des femmes et la création d’indépendance financière et de moyens de subsistance pour elles.

Quelles sont selon vous les principales forces et caractéristiques distinctives de Sasha ?

Je pense que les caractéristiques les plus marquantes ou disons les forces de Sasha résident dans notre longévité et le fait d’être l’une des organisations pionnières du commerce équitable en Inde. De plus, je pense que dans nos différentes catégories (de produits), il y a un élément de design très fort. Nous aimons travailler en collaboration avec nos partenaires et clients pour nous assurer que ce que nous produisons est le fruit d’un effort collaboratif pour nous aapter aux spécificités de chaque marché. . Donc je vois cela comme une véritable force de Sasha et je dirais aussi l’impact de notre travail lorsque nous travaillons en partenariat avec tous nos producteurs.

Quelles sont les valeurs fondamentales qui guident le travail de Sasha ?

Je pense que ce sont simplement les valeurs et principes du commerce équitable, c’est ce qui guide le travail de toutes les organisations de commerce équitable. Si vous regardez simplement le genre d’opportunités que vous créez pour les producteurs marginalisés, pour les femmes défavorisées et aussi dans nos processus de travail, assurant que des salaires équitables sont versés, que les conditions de travail sont bonnes, qu’il n’y a pas de discrimination de genre ou de discrimination d’aucune sorte. Je pense que c’est très très important et c’est très important pour nous et bien sûr se soucier de l’environnement et pour Sasha en particulier, il est très important de reconnaître la créativité, les traditions et le patrimoine de l’artisanat et des textiles en Inde. Je pense que c’est extrêmement important et je pense que nous pouvons contribuer considérablement à les soutenir.

Quels sont les principaux défis auxquels Sasha fait face actuellement ?

Je pense qu’en ce moment, il y a des défis de marché. La plupart de nos clients de commerce équitable produits rencontrent des difficultés en raison de divers facteurs. Je veux dire, il y a la guerre en Ukraine, les prix, le coût de la vie et il y a diverses raisons à cela et nous ressentons l’impact même chez Sasha. J’espère que nous pourrons surmonter ce défi et pour les autres choses, je pense que les défis sont, vous le savez, mineurs dans le travail au quotidien, certaines choses doivent toujours être résolues. Mais le plus grand défi restera celui du marché.

Comment caractériseriez-vous la relation entre Sasha et Oxfam-Magasins du monde ?

Je pense que la qualité déterminante est la réciprocité, et elle est guidée par un esprit de partenariat, de collaboration et de co-création. De plus, je pense qu’il y a une profonde reconnaissance des défis auxquels Sasha est confrontée et une profonde reconnaissance des défis auxquels OMM est confronté.

Le partenariat avec Oxfam-Magasins du monde dure depuis longtemps maintenant. Qu’est-ce qui fait la force de cette collaboration ?

Nous sommes partenaires maintenant depuis 31 ans et je dirais que l’aspect le plus important de cette relation est bien sûr qu’elle est de longue durée, et qu’il y a une réciprocité et une confiance. Et vous savez que vous êtes partenaires et vous pouvez échanger vos problèmes et difficultés et il peut y avoir une certaine compréhension et collaboration qui peuvent aboutir à de meilleurs résultats, mais le plus important est la relation à long terme.

Quelle est la différence principale entre travailler avec des acheteurs du commerce équitable et des acheteurs conventionnels ?

Vous savez, avec les acheteurs conventionnels, il n’est jamais certain que le partenariat continuera d’une année à l’autre. Ainsi, vous pouvez vous attendre à une commande cette année pour une très grande quantité et vous développez la capacité de production. Et l’année suivante, vous pouvez être abandonné. Il n’y a donc pas ce genre d’engagement que vous auriez avec d’autres organisations de commerce équitable. Je pense donc que c’est le plus gros problème. Et pendant la période de la COVID, nous avons entendu parler de tant de cas, ce n’était pas notre expérience personnelle, mais des gens qui font affaire avec des acheteurs conventionnels ont vu leurs commandes annulées ou prêtes à être expédiées mais elles n’ont simplement pas été réalisées. Dans notre cas, dans le cas de Sasha, rien de tout cela ne s’est produit et je suis sûr que c’est vrai pour toutes les autres organisations productrices qui travaillent avec des acheteurs fidèles.

Comment voyez-vous l’évolution et le rôle du commerce équitable dans le contexte économique actuel ?

Vous savez, aujourd’hui nous avons beaucoup de discussions sur la nouvelle économie, qui est influencée par le souci des gens et de la planète. Mais ce que nous devons nous rappeler, c’est que le commerce équitable a été pionnier il y a peut-être 60 ans avec justement ces préoccupations, des préoccupations pour les personnes marginalisées, pour la création de ces opportunités, pour s’assurer que les gens à une extrémité de la chaîne d’approvisionnement — les producteurs — voient aussi leurs besoins, leurs rendements et leurs opportunités de subsistance pris en compte. Tout cela a été pris en compte pour la justice commerciale, la justice sociale et bien sûr, dans la conversation d’aujourd’hui, la justice climatique. Ce sont donc ces pensées qui ont animé le mouvement du commerce équitable et il y a tellement de praticiens dans le monde qui sont des organisations de commerce équitable.

Mais aujourd’hui, je pense qu’il est si important que nous puissions nous présenter d’une manière qui crée une prise de conscience parmi les consommateurs et qui les informe aussi que beaucoup d’entreprises, en raison de la préoccupation croissante pour les gens et la planète, ont aussi recours au greenwashing, au social washing et même au craft washing. Je veux dire, nous en parlons en Inde, que les gens disent que c’est de l’artisanat, que c’est fait main, mais ce n’est pas toujours vrai.

Donc je pense qu’aujourd’hui, avec le commerce équitable, il y a de nombreux défis et nous devons trouver, d’une part, quelle est notre place légitime sur le marché et, d’autre part, s’assurer par notre plaidoyer que même le commerce conventionnel commence à adopter les valeurs du commerce équitable. Donc, le fair trade n’est pas une norme, ce n’est pas une niche, mais il devient de plus en plus accepté et plus grand public.

Pour conclure, quel message souhaiteriez-vous transmettre sur l’importance du commerce équitable ?

Le commerce équitable est un modèle commercial et un modèle commercial durable avéré qui aborde le plus efficacement les questions urgentes de notre époque, les questions pressantes d’inégalités sociales, économiques et bien sûr environnementales. Et c’est un modèle que nous devrions soutenir, que tout le monde devrait soutenir en raison de l’impact qu’il a sur la vie des gens et sur la planète.