À propos
La Ferme de Grange : un modèle d’agriculture régénérative
Nichée dans le paysage vallonné du Condroz, à Anhée, la Ferme de Grange incarne une transition ambitieuse vers une agriculture à la fois biologique, agroécologique et régénérative. Cette exploitation familiale se distingue par sa vision globale de l’agriculture, où chaque activité est pensée comme une pièce d’un écosystème cohérent et résilient.
Une transition radicale et assumée
Il y a plus de six ans, la ferme a opéré un tournant majeur. Après 20 ans d’agriculture conventionnelle, l’exploitation a choisi une reconversion directe vers le bio, sans travail du sol. L’agriculture de conservation s’est imposée comme une évidence, notamment grâce à un amendement naturel produit sur place (mélange de fientes de poules et bois raméal fragmenté) qui a facilité cette transition.
La surface cultivée — 90 hectares — a été entièrement redivisée pour favoriser la biodiversité : aujourd’hui, on y compte 34 parcelles, séparées par des bandes enherbées, fleuries ou composées de légumineuses. Ces bandes, placées tous les 60 mètres, servent de refuge aux insectes auxiliaires, comme les carabes ou les coccinelles, indispensables à la lutte naturelle contre les ravageurs.
Zéro pesticide, zéro labour : un pari audacieux
À la Ferme de Grange, ni pesticides ni labours ne sont utilisés. Un choix qui impose rigueur, anticipation et beaucoup de main-d’œuvre. Certaines années, comme 2023, sont particulièrement difficiles : les limaces ont anéanti les cultures de tournesol. Le désherbage, lui, se fait parfois à la main.
Le rôle central du poulailler et de la meunerie
Le poulailler, en plus de fournir des revenus essentiels, produit un compost de grande qualité. Mélangé au BRF issu des forêts de la propriété, il régénère les sols en profondeur. Cette approche permet de raccourcir considérablement le temps nécessaire à restaurer la fertilité des terres — estimé à 20-30 ans en méthode classique — et d’atteindre une autonomie remarquable.
La ferme est équipée de deux moulins Astrié. Contrairement aux moulins industriels, ceux-ci conservent les éléments nutritifs du grain (notamment le germe) tout en produisant une farine fine et digeste, sans surchauffe. La gamme va de la farine blanche de froment aux farines plus rares comme le seigle, le petit épeautre ou l’orge.
Chaque farine est ensachée manuellement, dans un emballage soigné et propre (collé à l’amidon de pomme de terre, sans couture). Ce soin du détail s’inscrit dans la logique artisanale de la ferme.
Une organisation familiale, un projet global
La Ferme de Grange repose sur un collectif familial solide : chaque membre a un rôle précis, de la meunerie au gîte, en passant par la culture des sapins ou le développement commercial. Cette complémentarité permet une gestion cohérente et intégrée des différents pôles d’activité.
L’autonomie énergétique est également au cœur du projet : panneaux solaires, scierie mobile, valorisation future du son en pellets… Tout est pensé pour minimiser les intrants extérieurs.
Un laboratoire d’innovation en agroécologie
Avec le soutien du réseau Farm For Good, la ferme développe aussi des outils innovants comme Open Compass, une plateforme open source qui permet de suivre les progrès vers la transition agroécologique, en lien avec des indicateurs adaptés aux réalités de chaque filière.
Des essais sont également en cours pour régénérer les sapins de Noël sans les abattre entièrement, en les taillant de manière à leur permettre de repousser — un geste symbolique, mais aussi agronomique, car ces arbres jouent un rôle majeur dans la revitalisation des sols.
La Ferme de Grange est bien plus qu’une exploitation bio : c’est un véritable écosystème agricole en mouvement, ancré dans son territoire, qui expérimente des modèles durables, solidaires et porteurs de sens. Une belle source d’inspiration pour tous ceux et celles qui rêvent d’une autre agriculture.